La Nuit des morts vivants, film passé culte dès sa sortie en 1968, est le tout premier film réalisé par George A. Romero, âgé de 28 ans. D’avis de cinéphiles insurpassable, malgré les tentatives ultérieures d’innombrables émules, il lui vaut d’être considéré comme le maître du genre, depuis 40 ans et jusqu’à aujourd’hui (en 2011 encore, il était invité pour présider le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg). Ironie de l’histoire, Romero, pour l’un des films les plus célèbres de l’histoire du cinéma, ne toucha pas un centime de droits : à cause d’une erreur sur le copyright original, le film tomba dès sa sortie dans le domaine public.
Mettant en scène « une masse informe revenue d’entre les morts et poussée par un besoin irrépressible à se nourrir de la chair et du sang des vivants », le film, sous ses dehors de film de genre, est cependant marqué par les convictions politiques de l’auteur : chose rare pour l’époque, la ségrégation étant encore en vigueur aux États-Unis un an seulement auparavant, l’acteur principal est un jeune afro-américain. L’attaque des zombies a également été interprétée comme une métaphore de la guerre du Vietnam, que les Américains, assoiffés de vie, faibles et sans âme, auraient été condamnés à perdre...
En 2010, Frederick Galiay a l’idée de remonter le film culte de Romero, en vue d’une performance live, image et son. Il lui apparait, dès lors que ce film peut prendre une ampleur bien différente lorsqu’il tronque la quasi totalité des dialogues. Ceci laissant une place de choix à la musique qu’il imagine abstraite et inquiétante. Celle-ci composée en temps réel pour la plus grande part. La chronologie est préservée ainsi que le sens narratif du film original.
Ce re-montage imaginé par Frederick Galiay apporte une fluidité dans le rapport son/image et permet de soutenir l’action, tout en préservant la structure et la construction du film original, comme pour en augmenter la tension.
Pour offrir une image sonore aussi haletante que le film, Chamæleo Vulgaris s’enrichit de la présence d’un de ses anciens membres, le batteur maître de la polyrythmie Franck Vaillant, que l’on a pu entendre au sein d’une myriade de formations jazz, mais aussi auprès de grands noms tels Brigitte Fontaine, Alain Bashung, Arthur H ou Rodolphe Burger, ainsi que dans plusieurs films réalisés par Paul Ouazan pour les ateliers de recherche de la chaîne Arte. Le pouvoir d’épouvante du film est encore accru de l’inquiétante étrangeté de la musique, aux matières incisives et aux rythmes tranchants. Spectaculaire.